Mirko

       En face de chez Kücks-Franz habitaient autrefois les Bür ,qui avaient deux  filles : Hilde et Hanni . La ferme possédait également une centaine de poules de race Rhodeland et le coq Mirko . En effet , comme l’agriculture sur les sols sableux n’était pas très productive , Bürs-Leo s’était très tôt mis en quête d’une activité annexe et s’était mis à l’élevage des poules .
        L’association des éleveurs de Lingen lui en avait expliqué la portée économique , les règles générales de l’élevage , la prise en charge et l’alimentation , et ainsi Bürs-Leo s’était-il attribué le titre de spécialiste des poules Rhodeland : Il s’agissait de poules rousses à la crête charnue , aux barbillons rouges , aux ailes courtes et à la queue composée de quatorze rectrices , dont la forme recourbée en faucille en imposait chez le coq .
        Leo avait acheté ces animaux parce qu’ils étaient robustes , élevés  dans l’objectif d’une double production , à savoir la production d’œufs et la production de viande . Comme les élevages de poules en batterie étaient encore inconnus , mais que les volailles étaient maintenues en entreprises paysannes dans le cadre de l’économie nationale , Bürs-Leo , qui possédait bien sûr des aptitudes au travail manuel , construisit un poulailler protégeant non seulement du froid ,de l’humidité et du vol , mais procurant aussi des agréments aux animaux : ils eurent ainsi un espace pour dormir , pondre et un  bac rempli de  sable pour se réunir . De plus , la ferme leur offrit , à volonté – des insectes et des vers , tandis que le fermier ajoutait à leur nourriture des graines et des mélanges de sciure et d’argile . Ce travail incomba de plus en plus à Bürs-Hanni, la fille de 5 ans . Elle était tout aussi fascinée par ses nouveaux amis qu’ils ne l’étaient par elle .En effet , quand , le matin , elle trottinait dans la cour , avec aux pieds les sabots  confectionnés par un savetier de Selle , qu’elle versait aux poules  de l’eau dans leur abreuvoir et leur proposait des restes de petit-déjeuner , les bêtes l’attendaient déjà dévorées d’impatience . Mirko la saluait d’un « Cott Cott » familier , ce qui pour elle n’ avait d’autre signification que
«  Bonjour , petite ! «  . Puis les poules , ne voulant pas se montrer suffisantes , se taisaient un moment puis répétaient en chœur le salut de leur maître . Hanni haranguait ensuite les poules et celles-ci l’écoutaient attentivement . Il s’agissait en l’occurrence de leur raconter les événements de la veille , des incidents survenus dans la maison et des choses de ce  petit monde qui , aux yeux de la petite , étaient de nature à intéresser les poules . Effectivement , la plupart du temps , l’attention était générale .
    Pendant ce rituel , Mirko veillait beaucoup à la discipline et empêchait tout caquètement ou croassement susceptible d’ être signe d’ ennui , voire de mauvaise humeur .
   Après la harangue , on passait aux affaires courantes : les poules se regroupaient , Mirko accompagnait Bürs-Hanni pour son tour de ronde dans la cour , inspectait avec elle l’état du poulailler et lui montrait de temps à autre des
«  pontes sauvages «  ( pontes cachées ) que des poules désobéissantes avaient faites dans la grange , parce qu’elles ne pouvaient concevoir qu’on leur enlève ce qu’ elles considéraient comme leur propriété . Hanni prenait alors un panier et rapportait les œufs dans la maison .
   Bürs-Leo laissait sa fille jouer avec les poules , les autres membres de la famille n’avaient rien contre non plus parce que cela distrayait l’enfant , et qu’elle se créa , grâce à son imagination , son propre monde et devint très tôt autonome . Cependant , en automne , Bürs-Hilde , qui avait 10 ans de plus que sa sœur , vit , avec un certain scepticisme ,  se produire un événement qui ne lui plut pas du tout .
   Au milieu de la cour se dressait alors un grand noyer couvert de noix . Mais comme Bürs-Hanni à cette époque était trop petite pour grimper elle-même à l’arbre , elle chassait sans cesse  les poules de manière à ce qu’elles grimpent elles-mêmes pour faire tomber les noix à coups de battements d’ailes .Cela fonctionnait finalement si bien , que les deux parties montraient du plaisir à ce jeu . Oui , Mirko lui-même y prenait part , bien qu’il menât sinon la vie confortable d’un pacha et n’eût guère de goût pour le travail . Bürs-Hilda s’attendit à ce que la ponte devînt plus mauvaise , car après tout il n’était pas courant de voir les poules perchées dans les arbres et chargées de la cueillette des noix . Mais ce fut le contraire qui arriva : les poules de pleine terre , qui connaissaient à présent une autre dimension et qui étaient devenues des poules de plein vol  , pondaient beaucoup plus qu’auparavant . Ainsi Hanni put-elle continuer son travail expérimental avec ses amis et ceux-ci étaient des élèves très appliqués .A leur propos , Bürs-Leo parlait , avec à la fois humour et fierté , du «  fan-club de Hanni «  .
Plus tard , Bürs-Hanni se lança dans la politique et devint d’abord conseillère générale , puis régionale du Hanovre .

Auteur : Wolfgang Viehweger                           Traduction : Colette Martin

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