Max et Maxie

           Voici  quelques années encore , les jeunes des villages , y compris ceux de Varenrode , avaient la mauvaise habitude , au début de l’année , de s’adonner à une coutume qu’ils appelaient
«  dénicher les animaux « : il s’agissait de détruire des nids , d’en enlever les œufs des oiseaux ou les petits sans défense , de les montrer autour de soi et , pour finir , de les lancer dans les airs . Heureusement , les explications reçues dans les maisons familiales et les écoles permirent à chacun de comprendre la nécessité de protéger les animaux ,  et cette stupidité n’a plus lieu depuis belle lurette .

          Un jour froid et ensoleillé de février , devant la maison de Kücks-Franz , qui était un chasseur expérimenté , passèrent quelques garçons pris dans une discussion animée . Lorsqu’ils l’aperçurent qui se dirigeait vers un sentier de chasse  , ils voulurent disparaître rapidement . Mais Franz les arrêta et voulut savoir ce qu’ils tenaient sous leurs anoraks . Pris de mauvaise conscience , ils lui montrèrent la trouvaille qu’ils avaient faite dans un trou d’arbre : il s’agissait de quatre petits d’une espèce de martre vivant dans les arbres et menacée de disparition .Le chasseur les avait immédiatement reconnus à la tache orangée qu’ils portaient à la gorge et à leur poitrine jaune dont ils tenaient leur surnom de «  jaune-gorge «  . Comme la mère des petits n’aurait plus voulu d’eux , il alla avec les garçons et leur trouvaille chez une voisine , Rekers-Maria , qui  connaissait bien les animaux .

        Son amour allait particulièrement au chien Heiko et à la  grosse chatte Maunzi . Cette visite ne réjouit nullement Maria, mais celle-ci se déclara prête à accueillir les martres à la condition que les garçons acceptent de l’aider .

       Ainsi commença-t-on en toute hâte la construction d’une cage de bois tendue de barbelés et on plaça dans la cage un vieux tronc d’arbre , dans lequel les garçons pratiquèrent un petit trou . Devant , Maria et Kücks-Franz firent rouler un vieux tonneau de bière muni d’une ouverture ronde qui traînait dans le jardin depuis des années . A présent ,  muni de paille de foin , il servirait de dortoir, tandis que les trous dans les arbres seraient des salles de jeux . Et en effet , les martres creusèrent ensuite complètement le tronc d’arbre et l’aménagèrent ensuite , à l’aide de foin , en logement confortable . Rekers-Maria , qui aimait les animaux comme ses propres enfants , se demanda comment nourrir les 2 femelles et des deux mâles . Aussi Kücks-Franz lui conseilla-t-il d’essayer d’abord avec du lait écrémé dans un biberon , ce qui réussit . Les petites martres tétèrent satisfaites avec de petits bruits de gorge, se pelotonnèrent les unes contre les autres et s’endormirent .

      Maria les transporta dans le tonneau à bière et renvoya les garçons chez eux , mais avec l’ obligation de passer chaque après-midi pour aider au nettoyage de la cage . Deux des martres moururent quinze jours plus tard . Elles n’avaient manifestement pas surmonté la violente agression des hommes .
 
     Par contre , Max et Maxie , un mâle et une femelle ,  grandirent superbement et leur taille dépassa en peu de temps les 50 centimètres , en dépit de leurs pattes assez courtes . Toutes deux avaient une poitrine d’un brun lumineux et leur pelage dorsal avait la couleur brun foncé des renards . Quand Maria et les garçons nettoyaient leur cage , ils sautaient de joie et  se lovaient autour de leurs épaules comme des fourrures vivantes . Ils frottaient leurs visages de leurs museaux effilés et les léchaient .

    Dès que le sol sableux de leurs cages était nettoyé et que l’on avait enlevé tous les immondices , ils recevaient de l’eau et de petits morceaux de viande crue , bien qu’ils eussent préféré bien sûr de délicieuses souris . De jour , Maria tenait les animaux en cage , le soir elle leur donnait quartier libre , ce qu’appréciaient particulièrement Maunzi et Heiko . Ils chahutaient avec les deux martres dans le jardin ,  ce qui les entraînait vers les  jeux les plus étranges : ainsi les deux martres couraient – elles aux côtés du chien , pour brusquement se recroqueviller , lui sauter sur le dos et s’accrocher à son long pelage comme des cavaliers de cirque . Avec le chat , elles jouaient à grimper aux arbres . Il s’agissait alors de grimper le plus vite possible au sommet et d’en redescendre aussi vite , puis de se laisser rouler gaiement sur le sol .

    Avec le temps , Rekers-Maria constata que les animaux se comprenaient . En effet , quand Max et Maxie s’éloignaient sans permission de la cage ou du jardin , elle envoyait le fidèle Heiko les rechercher . Il y parvenait à chaque fois . Ils reconnaissaient l’autorité de Heiko .

    L’idylle aurait continué ainsi si leurs voisins Büssemaker n’avaient eu un grand poulailler . Une nuit , deux des poules furent tuées et  en partie dévorées . Büssemakers – Jupp vint donc les voir et accusa les martres du méfait . Rekers-Maria réussit à le calmer en lui faisant remarquer que les martres avaient l’habitude de se promener au milieu de leurs dix  grosses et grasses poules Rhodeland sans jamais les importuner . Par sécurité , on renforça la cage à l’aide de barbelé afin qu’elles ne puissent ni ronger les barreaux  ni se sauver en creusant la terre au-dessous . Cela ne relâcha pas les tensions avec le voisin , qui trouvait toujours une nouvelle raison d’accuser les deux martres d’un quelconque méfait . Quand il posa des pièges et menaça de déposer du poison , la mère adoptive – au grand chagrin de Heiko et Maunzie , dut se séparer d’eux .

    C’est ainsi qu’un jour elle alla au zoo de Rheine – Bentlage , où les deux animaux trouvèrent un nouveau foyer . Quand Maria venait parfois leur rendre visite avec les garçons , qui s’étaient résignés au destin des martres , ceux-ci laissaient libre cours à leur joie . Ils piaillaient , leur léchaient les doigts par les barreaux de la cage et faisaient les cabrioles qu’ils avaient apprises avec Heiko à Varenrode . Ils ne voulaient pas non plus que leurs amis prennent congé peu après . Maria ressentait la même chose . Elle ne comprenait  pas la raison qui l’avait empêchée de  garder Maxie .

 

Auteur : Wolfgang Viehweger                                   Traduction : Colette Martin
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