Comment les chèvres vinrent s'établir dans la vallée de l'Emscher

A une époque très reculée s'étendait, depuis Dortmund - le long de l'Emscher (1) - jusqu'aux Rhein-Auen (2) de Duisbourg, dans une vallée à qui l'on donna plus tard le nom de Emscher-Bruch, une épaisse forêt. Elle était peuplée de chevaux sauvages et autres animaux, parmi lesquels une meute dirigée par un loup du nom de Lupelmus. Ce territoire étant riche en eau, herbes sauvages et buissons, bien des chèvres avaient tenté en vain d'y pénétrer. Mais à chaque fois, elles avaient été attaquées par des loups, jusqu'à ce qu'une famille échafaudât un plan. Comme il tenait compte de la psychologie lupine, il fut couronné de succès.

Un jour, un petit cabri venu de Crange(3) pénétra dans l'Emscher - Bruch. A peine avait-il atteint la forêt qu'il rencontra le chef des loups, prêt à le mettre en pièces. C'est alors que le petit cabri dit de sa voix tremblante: « Ma mère va arriver ». Lupelmus s'éloigna alors du cabri en se disant: « La mère sera bien plus consistante pour moi que ce misérable garçon ». Peu après apparut la mère, de fort belle prestance et portant le nom de Capra. Le loup s'apprêtait déjà à la dévorer lorsqu'elle s'écria: « Mon mari Capricius va aussi arriver « . « Stop », pensa le loup, « attends donc, pour commencer ton repas, que le mari arrive! ».Et le bouc finit par faire son apparition solennelle. En apercevant ce mâle de belle taille et bien nourri, le loup se lécha les babines. Il était déjà prêt à bondir lorsque son attention fut éveillée par les cornes sur la tête de son vis-à-vis. « Dis-moi un peu », demanda-t-il avec curiosité, « que portes-tu donc sur la tête ? » « Eh bien, répliqua Capricius d'un ton détaché, ce sont mes armes, deux poignards bien acérés. »
Le loup prit peur et réfléchit à ce qu'il pourrait faire. Au même moment, le bouc baissa la tête, dirigeant les cornes vers son adversaire. Le loup sentant la situation lui échapper, il fonça dans les buissons. Et c'est ainsi que les chèvres parvinrent à vivre heureuses dans l'Emscher-Bruch. Leurs descendants se sont si bien multipliés que, du Moyen-Âge aux Temps Modernes, de nombreux paysans vivant dans l'Emscher-Bruch eurent, auprès de leurs vaches et de leurs chevaux, des chèvres comme animaux domestiques.

Au début de la Révolution Industrielle, les mineurs, dans les corons, apprécièrent tout autant la compagnie des chèvres. D'ailleurs, ils ne les appelaient pas les chèvres, mais les vaches du mineur.

(1) Affluent du Rhin dans la région de la Ruhr.
(2) Espaces verts naturels le long du Rhin.
(3) Quartier de Herne.

Auteur : Wolfgang Viehweger - Traduction : Colette Martin

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